En mai à l'occasion d'une Gazette sur le thème des Arts graphiques, nous avons l'immense honneur d'interviewer Julie Guillem, qui a pu participer au Buster Call Project !
Gazette : Bonjour Julie et merci d’avoir accepté notre interview. Alors tout d’abord, est-ce que tu peux nous décrire ton parcours, comment es-tu devenue illustratrice et connaissais-tu One Piece avant ?
Julie : Je suis illustratrice, j'ai 31 ans et j’habite à Paris. J’ai grandi à La Rochelle et après mon bac, j'ai passé un an en classe prépa à l'académie Charpentier. J’ai ensuite poursuivi mon parcours à l'ENSAD [École nationale supérieure des Arts Décoratifs à Paris, ndlr]. Je me suis spécialisée en deuxième en image imprimée, la section illustration, où sont enseignées les techniques d'impression, la sérigraphie et la gravure. Après mon diplôme, j’ai vécu deux ans à Vienne, où j’ai commencé à travailler comme illustratrice pour des journaux et j'ai également édité mon premier livre l’Atlas des Nuages. Avant de réaliser une illustration pour le bustercall, j’avais vaguement entendu parlé de One Piece, mais sans vraiment connaitre.
Gazette : Et pourquoi l'ENSAD du coup après le bac, ça veut dire que tu voulais faire illustratrice ?
Julie : Franchement non, au début, je voulais plutôt me diriger vers des études d’architecture. Pendant mon année en prépa, j’ai appris à dessiner, à peindre, j’ai suivi des cours d’histoire de l’art, de photographie, ça a été une année très riche, ça m’a également permis de mieux me préparer aux concours des écoles d’arts. Par chance le concours de l’Ensad arrivait en dernier, c’est celui que j’avais le mieux préparé, c’est l’école que j’ai intégré. La première année de l'ENSAD est très générale. On y suit des cours de photographie, d'illustration, de couleur, de design, de graphisme, de l'architecture... cela permet vraiment de choisir ce qu'on veut faire. J’ai choisi la section image imprimée, parce que c’est une section où le dessin était très présent, et on y apprenait également les différentes techniques d’impression d’une image.
Gazette : Est ce qu'il y a un nom pour le style graphique que tu utilises ?
Est-ce qu'il y a une façon de le caractériser ?
Julie : Difficile à dire :) Je réalise plutôt mes illustrations en numérique, qui permet beaucoup plus de retouches et c'est un peu plus adapté à l’illustration de commande. J'ai une tablette graphique avec un stylet, ça permet quand même d'avoir quand même le côté manuel avec les avantages du numérique. Je pense que mes dessins s’inscrivent dans une même ligne, mais mon dessin et ma façon de représenter les choses évoluent. Je ne dessine pas de la même façon qu’il y a cinq ans et heureusement. J'espère que dans dix ans, je n'aurai pas exactement la même façon de dessiner et que j’aurai continué à évoluer dans ma pratique.
Gazette : J'ai vu que tu as illustré des livres, notamment pour la jeunesse. Et je me demandais, est-ce qu’il y a une phase de discussion avec l'auteur, est-ce qu’il donne ses préférences [lors de la phase d’illustration] ? Combien de temps dure le processus ?
Julie : Ça dépend de l'éditeur. L'auteur envoie généralement ses textes à l'éditeur qui se charge de trouver un illustrateur. L’éditeur est le point de contact.
Lorsqu’il s’agit d’un documentaire, par exemple pour l'Aéropostale [un livre paru en 2020 sur une liaison postale Toulouse-Buenos Aires en avion, ndlr], c'était important d'avoir le retour des auteurs parce qu'ils avaient travaillé avec des experts. La maquette a aussi été relue par des spécialistes, notamment sur les avions, pour dessiner le bon avion au bon endroit, la bonne année avec le bon lettrage, parce que l'ordre des drapeaux sur les avions était important par exemple.
Pour les album jeunesse, l'auteur n’intervient pas beaucoup. Il envoie un texte et les illustrations interviennent complètement indépendamment du texte. Elles peuvent venir donner un tout autre sens au texte. C’est plutôt un travail réalisé avec l'éditeur.
Gazette : Du côté public, le Bustercall reste assez mystérieux, on n’a pas beaucoup de détails dessus, on a le rendu final, on a
l’exposition finale, mais pas grand chose d’autre. Est-ce que
vous saviez à l’époque qui vous contactait pour cette demande ?
Julie : C'était très obscur. Ils m’avaient contacté via Behance [un site qui permet aux artistes de montrer leurs créations, ndlr]. J’ai cru que c'était un spam. Je connaissais pas vraiment One Piece ni le Bustercall !
Gazette : C’est une série d’expositions, [sur l'univers de One Piece]. Ils sont responsables de ça (présentation des œuvres à Julie). D’après ce qu’on a entendu, ils ont contacté les artistes anonymement pour leur demander des œuvres sur One Piece. Et le résultat final, ce sont 200 œuvres différentes sur One Piece par 200 artistes dont toi.
Julie : Je suis heureuse de faire partie des 200 heureux élus et de cette shortlist !
Le brief pour mon illustration était assez précis, ils m'avaient donné un épisode avec une séquence assez courte, il y avait ce bateau porté par la pieuvre. [D’après les informations données, il s’agit de la séquence de descente de Skypiea en octo-ballon à la fin de l’arc Skypiea/arc G-8]. L’épisode avait l'air cool, ça correspondait plutôt à mon univers.
Gazette : Ça correspond aussi à une autre réponse qu'on avait eu d’un
autre artiste aussi qui nous avait dit que le personnage lui avait été présenté. On se rend compte que l’équipe du Bustercall nous a surtout montré le rendu final, l'exposition, mais n’ont pas présenté du tout les coulisses. On se demandait s' il y avait des contraintes? Au niveau de la taille, est-ce qu’ils ont demandé une grande taille ? Il fallait faire une pièce physique ou juste un rendu ?
Julie : Non, pour moi c'était de travailler sur un format A3. Le brief était de réaliser une illustration de la scène demandée avec mon style d'illustration. Pour éviter qu'on représente la même chose, ils ont vraiment orienté les briefs par artistes, je pense une scène de One Piece par artiste.
Gazette : Mais du coup, combien de temps as-tu mis pour cette
illustration?
Julie : À peu près une journée et demie, j’avais réalisé deux croquis, donc le même que celui de l’exposition, et une version avec la pieuvre vue de dessus, volant au-dessus d'un océan qui transportait le bateau. Ils ont choisi la version avec les montagnes. Pour le croquis 2h à 3h, et après 4h pour la mise en couleurs.
Gazette : Le projet était de faire 200 œuvres différentes autour de One Piece, est-ce que c’est une démarche commune dans le monde de l’art, de proposer des expositions mixtes avec plusieurs artistes autour d’un même thème ?
Julie : Oui ça se fait beaucoup, par exemple « Nîmes s’illustre », ou encore « Le Parisianer » qui a par exemple été exposé au Jardin des plantes de Paris. C’est assez cool de demander aux illustrateurs de travailler sur un thème spécifique, pour sortir de leur zone de confort.
Gazette : Si tu recevais une nouvelle proposition pour participer à une deuxième édition du Buster Call, tu participerais ?
Julie : Oui, bien-sur ! C’est un projet qui s’est très bien passé, il y avait beaucoup de liberté. Ce que je trouvais assez marrant, c’était de venir ré-illustrer quelque chose qui avait déjà été illustré par quelqu’un d’autre et de le réinvestir avec sa vision, sa façon d’illustrer.
Gazette :Comment ça se passe dans ta vie depuis le Buster Call,
comment ça s’est passé au niveau de ta biographie ?
Julie : Je dessine toujours. Ça se passe très bien, je travaille toujours en pyjama depuis chez moi ! J’ai travaillé sur pleins de jolis projets, plus récemment avec ELLE ou le Musée du Louvre pour un coloriage, ça a été assez intense niveaux projets. J’aimerais bien refaire un livre que je dessinerais et écrirais. Je prépare aussi une nouvelle série d’illustrations qui sera éditée en septembre :)
Merci beaucoup Julie d’avoir accepté de répondre à nos questions, ça nous a permis de voir l’envers du décor de ce beau projet qu’est le Buster Call, et mieux comprendre le métier d'illustrateur.
N'hésitez pas à aller faire un tour sur son site et sur ses réseaux pour découvrir son univers artistique !